« Merah, un monstre issu de la maladie de l’islam » (Le Monde, 23 mars 2012)

« Depuis que le tueur de Toulouse et Montauban a été identifié comme « salafiste djihadiste », c’est-à-dire comme fondamentaliste islamiste, le discours des dignitaires de l’islam de France a été de prévenir tout « amalgame » entre cette radicalité d’un individu et la « communauté » pacifique des musulmans de France. Cet appel au jugement différencié est nécessaire lors d’un événement comme celui-ci, parce qu’il suscite une vague d’émotion et d’indignation si puissante qu’elle risque d’abolir, dans un certain nombre d’esprits fragiles, toute capacité rationnelle à distinguer entre islam et islamisme, islam et violence, etc. Les dignitaires qui se sont exprimés ont donc assumé là une responsabilité indispensable pour la paix sociale, et nous pouvons espérer que leur parole contribue à éviter une aggravation de la défiance et des stigmatisations dont les musulmans de France restent souvent victimes.

« Il est urgent de mettre en œuvre une véritable pédagogie de la laïcité » (Le Monde, 20 décembre 2010)

« La République ne saurait se contenter d’imposer la neutralité par la seule loi. Pourquoi la laïcité républicaine éprouve-t-elle aujourd’hui tant de difficultés à se faire respecter dans les différents espaces publics ? Pourquoi notre République semble-t-elle désormais contrainte à garantir ce respect en multipliant les lois d’interdiction ? Pourquoi ce même respect de la laïcité doit-il être défendu par des décisions de justice, comme dans l’affaire récente de la crèche de Chanteloup-les-Vignes (Yvelines) ? La question de la laïcité ressemble de plus en plus à une nouvelle version de la « guerre des deux France ». L’Etat républicain semble en effet entraîné malgré lui dans une logique d’affrontement avec une forme de guérilla fondamentaliste qui pratique la provocation, le harcèlement, la pression diffuse et multiforme, en testant sans relâche les défenses de la laïcité.

« La lapidation, preuve extrême de la logique de violence de l’islam » (Le Monde, 30 août 2010)

« La monstrueuse condamnation d’une femme à la lapidation par la République islamique d’Iran donne encore une fois de l’islam une image catastrophique, celle d’une religion archaïque, violente et totalitaire. N’essayons pas en effet de dédouaner la religion islamique du meurtre programmé de Sakineh Mohammadi-Ashtiani en soutenant qu’il s’agit d’une décision politique. Le pouvoir de Mahmoud Ahmadinejad se fonde sur une idéologie reconnue comme celle d’un islam fondamentaliste.

« La burqa, symptôme d’un malaise » (Le Monde, 23 janvier 2010)

« Le débat sur le port de la burqa a donné lieu ces dernières semaines à une multitude d’analyses, parmi lesquelles les plus pertinentes l’envisagent à l’intérieur du problème plus vaste posé par le développement d’un islam néoconservateur qui refuse le modèle occidental, ses valeurs et son mode de vie, et dont le terrain de fermentation dans notre pays est la condition sociale et économique de discrimination faite aux populations d’origine immigrée. Une frange de celles-ci trouverait ainsi dans l’adhésion à cet islam « dur », dont la burqa est l’une des expressions les plus radicales et minoritaires, l’opportunité d’exprimer son ressentiment et de se placer dans une logique de lutte contre ce qui est vécu comme une situation d’oppression.

« L’interdiction des minarets en Suisse va exacerber les tensions identitaires (Le Monde, 2 décembre 2009)

« A travers l’interdiction légale de la construction de minarets en Suisse, une grande peur est à l’œuvre, dont l’irrationalité doit être effectivement redoutée pour la dangerosité de ses conséquences possibles. « La seule chose dont il faut avoir peur, c’est de la peur elle-même », disait Roosevelt. Or il semble bien qu’à travers l’interdiction légale de la construction de minarets en Suisse, une grande peur soit à l’œuvre, dont l’irrationalité doit être effectivement redoutée pour la dangerosité de ses conséquences possibles.

« Aucune justification religieuse à la burqa » (Le Monde, 30 juin 2009)

« Il est désolant que des musulmans donnent une image aussi caricaturale de leur culture. Le port de la burqa (voile intégral) fait aujourd’hui en France l’objet d’un débat politique et public. Le premier élément de réflexion nécessaire porte sur la définition même de cette burqa. Il s’agit d’un voile intégral, formé d’une ou deux pièces qui recouvrent la totalité du corps, le visage compris, ne laissant voir que les yeux – le regard étant même le plus souvent dissimulé par une grille de tissu ou un voile plus fin. Il faut donc distinguer la burqa du simple voile (hidjab), qui ne couvre que la tête et parfois les épaules de certaines musulmanes, laissant le visage découvert, et qui peut être noué soit derrière la tête, soit devant. Il y a voile et voile.

« Parler de l’homme plutôt que de Dieu » (Le Monde, 4 novembre 2008)

« Réunis au Vatican le 4 novembre, musulmans et catholiques vont buter sur la volonté hégémonique qui les désunit depuis toujours, à un moment de notre histoire où ils devraient comprendre que le temps de la tutelle ecclésiastique est révolu. Quelles sont les questions fondamentales impossibles à éluder qui vont se poser au Forum islamo-chrétien du 4 novembre ? Il y en a notamment trois : la capacité ou incapacité des deux traditions à se considérer à égalité de valeur spirituelle ; le rôle de la hiérarchie ecclésiastique dans le catholicisme et l’islam de demain ; la nature exacte des ressources de sens que ces religions peuvent apporter à notre monde désenchanté.

« Questions aux candidats à l’élection présidentielle » (Le Monde, 8 février 2007)

« En tant qu’intellectuel musulman engagé dans la réflexion sur l’identité et l’avenir de l’islam de France, je souhaite poser quatre questions aux candidats à l’élection présidentielle : – Tout d’abord, comptez-vous maintenir le Conseil français du culte musulman ? Les travaux des sociologues montrent que la notion de culte évolue de façon radicale chez les musulmans européens. Ils n’abandonnent pas leur foi, mais ils l’adaptent en lui incorporant les valeurs occidentales de choix personnel, d’autonomie, de responsabilité. Un sens nouveau de la subjectivité fait ainsi son apparition en culture d’islam, ce que j’ai appelé et conceptualisé sur le plan philosophique comme un self-islam, « islam du Soi », dans lequel chaque musulman entend désormais être seul maître et juge du rapport qu’il entretient au dogme et à la loi religieuse, c’est-à-dire déterminer par lui-même les formes de sa vie spirituelle. Découverte d’une nouvelle puissance de la subjectivité, dans le prolongement de la culture européenne : une subjectivité maîtresse du sacré.

« Vers la mutation démocratique de l’islam » (Le Monde, 6 février 2006)

« Y a-t-il réellement une communauté musulmane d’Europe ? Le terme de communauté désigne un groupe d’individus vivant, de façon plus ou moins ouverte ou fermée, à part du reste de la société (distance spatiale), et à part également du mode de vie de cette société (distance culturelle). Vis-à-vis de cette définition, il est déjà clair que les musulmans européens constituent tout au plus une communauté idéale, et non réelle : même s’ils ont des références culturelles communes, et même s’ils se rassemblent en certaines occasions, ils ne vivent pas en vase clos et n’ont pas des moeurs fondamentalement distinctes des autres Européens. Contrairement à la représentation dominante, y compris chez les politiques, le musulman n’habite pas toujours en banlieue ou dans le Londonistan, et même s’il y habite, son « occidentalité » l’emporte largement sur son « islamité ».

« Manifeste pour un islam européen » (Le Monde, 14 février 2005)

« Gilles Kepel a montré clairement que l’islam de l’Ouest n’a pas encore choisi entre les deux destins inverses qui se présentent devant lui : soit une réelle « européanisation de cette religion », dans le sens d’un « aggiornamento à valeur exemplaire pour le reste du monde », soit un rôle de « tête de pont » de l’islamisme, visant une nouvelle « expansion islamique sur le sol européen ». Et, à le lire, je me suis demandé comment les représentants de l’islam en Europe et la communauté dans son ensemble, et particulièrement ici, en France, allaient recevoir ce point de vue : allions-nous savoir réagir à cet appel qui nous alerte sur l’urgence à nous doter d’une identité propre, indépendante et novatrice vis-à-vis de l’islam traditionnel ? Jusque-là, silence radio !