« Ce qui me frappe dans les commentaires de la démission de Nicolas Hulot, c’est l’incapacité à peu près générale à prendre la mesure de l’événement. Car il ne s’agit pas tant de l’échec d’un homme que d’une société tout entière, la nôtre, à ouvrir enfin les yeux sur un péril sans précédent. Et il ne s’agit pas seulement d’écologie, c’est-à-dire du rapport de l’homme à la planète mais d’un désordre de civilisation généralisé qui affecte tout autant les relations des hommes entre eux, à toutes les échelles.
Comment se fait-il que tous les lanceurs d’alerte – Nicolas Hulot chez nous, Naomi Klein et d’autres ailleurs – aient à ce point échoué à mobiliser les consciences? Comment se fait-il que nous restions collectivement aussi aveugles face à la menace de mort que le libéralisme fait peser autant sur les écosystèmes que sur toutes les organisations sociales de la planète? Une cause de cet aveuglement est que ce libéralisme a doublement crevé les yeux des masses: en les abêtissant dans le confort ou le désir d’une vie purement matérialiste ou hédoniste; en les rendant esclaves d’une contrainte économique qui contribue à accaparer tout leur « temps de cerveau disponible ». Résultat: il est devenu à peu près impossible de conscientiser et de mobiliser des foules trop abruties ou asservies pour avoir le luxe de se rendre compte de ce qui se passe. Ajoutons à cela que le temps semble être plutôt aux colères – elles-mêmes aveugles – qu’à une révolution lucide: de la montée des extrémismes de droite et de gauche à celle des nationalismes et radicalités religieuses, on a le sentiment que va devoir s’épuiser d’abord une série de réactions bêtes et méchantes à l’ordre dominant – une violence née de la souffrance face à l’hégémonie de sa violence – avant que des résistances autrement plus conscientes et consistantes aient une chance de se faire entendre… » Lire la suite…