« Parler de l’homme plutôt que de Dieu » (Le Monde, 4 novembre 2008)

« Réunis au Vatican le 4 novembre, musulmans et catholiques vont buter sur la volonté hégémonique qui les désunit depuis toujours, à un moment de notre histoire où ils devraient comprendre que le temps de la tutelle ecclésiastique est révolu. Quelles sont les questions fondamentales impossibles à éluder qui vont se poser au Forum islamo-chrétien du 4 novembre ? Il y en a notamment trois : la capacité ou incapacité des deux traditions à se considérer à égalité de valeur spirituelle ; le rôle de la hiérarchie ecclésiastique dans le catholicisme et l’islam de demain ; la nature exacte des ressources de sens que ces religions peuvent apporter à notre monde désenchanté.

« Questions aux candidats à l’élection présidentielle » (Le Monde, 8 février 2007)

« En tant qu’intellectuel musulman engagé dans la réflexion sur l’identité et l’avenir de l’islam de France, je souhaite poser quatre questions aux candidats à l’élection présidentielle : – Tout d’abord, comptez-vous maintenir le Conseil français du culte musulman ? Les travaux des sociologues montrent que la notion de culte évolue de façon radicale chez les musulmans européens. Ils n’abandonnent pas leur foi, mais ils l’adaptent en lui incorporant les valeurs occidentales de choix personnel, d’autonomie, de responsabilité. Un sens nouveau de la subjectivité fait ainsi son apparition en culture d’islam, ce que j’ai appelé et conceptualisé sur le plan philosophique comme un self-islam, « islam du Soi », dans lequel chaque musulman entend désormais être seul maître et juge du rapport qu’il entretient au dogme et à la loi religieuse, c’est-à-dire déterminer par lui-même les formes de sa vie spirituelle. Découverte d’une nouvelle puissance de la subjectivité, dans le prolongement de la culture européenne : une subjectivité maîtresse du sacré.

« Vers la mutation démocratique de l’islam » (Le Monde, 6 février 2006)

« Y a-t-il réellement une communauté musulmane d’Europe ? Le terme de communauté désigne un groupe d’individus vivant, de façon plus ou moins ouverte ou fermée, à part du reste de la société (distance spatiale), et à part également du mode de vie de cette société (distance culturelle). Vis-à-vis de cette définition, il est déjà clair que les musulmans européens constituent tout au plus une communauté idéale, et non réelle : même s’ils ont des références culturelles communes, et même s’ils se rassemblent en certaines occasions, ils ne vivent pas en vase clos et n’ont pas des moeurs fondamentalement distinctes des autres Européens. Contrairement à la représentation dominante, y compris chez les politiques, le musulman n’habite pas toujours en banlieue ou dans le Londonistan, et même s’il y habite, son « occidentalité » l’emporte largement sur son « islamité ».

« Manifeste pour un islam européen » (Le Monde, 14 février 2005)

« Gilles Kepel a montré clairement que l’islam de l’Ouest n’a pas encore choisi entre les deux destins inverses qui se présentent devant lui : soit une réelle « européanisation de cette religion », dans le sens d’un « aggiornamento à valeur exemplaire pour le reste du monde », soit un rôle de « tête de pont » de l’islamisme, visant une nouvelle « expansion islamique sur le sol européen ». Et, à le lire, je me suis demandé comment les représentants de l’islam en Europe et la communauté dans son ensemble, et particulièrement ici, en France, allaient recevoir ce point de vue : allions-nous savoir réagir à cet appel qui nous alerte sur l’urgence à nous doter d’une identité propre, indépendante et novatrice vis-à-vis de l’islam traditionnel ? Jusque-là, silence radio !