« Plutôt que de se perdre en polémiques vaines et clivantes sur Tariq Ramadan, pourquoi ne pas parler vraiment de l’islam, qui est aussi une façon d’aborder la question de l’égalité ? A l’université et pourquoi pas au Collège de France. Chaque jour, j’ai vu le débat Charlie vs Mediapart attiser une guerre des gauches derrière laquelle disparaît presque complètement la question de l’islam de France. Quelle misère ! Tout au plus cette question pourtant cruciale est-elle prise en otage du conflit… Mais comment peut-on se permettre ainsi de passer encore et toujours à côté du sujet « islam », alors que de son traitement dépend en grande partie désormais l’avenir de la France ?
Articles de presse
« Affaire Ramadan : « Nous restons tragiquement aveugles aux “racines du mal” de l’islamisme » (Le Monde, 14 novembre 2017)
« Combien de temps encore ?
L’affaire Tariq Ramadan est atterrante à bien des égards. Comment se fait-il qu’il ait fallu attendre le scandale d’accusations de violences sexuelles pour qu’enfin nos élites s’interrogent sérieusement sur le personnage ? Depuis quinze ans, j’ai eu plus que le temps de vérifier l’incapacité quasi systématique de nos médias, de notre classe politique, de la plupart de nos « grands » intellectuels à comprendre en profondeur les questions posées par l’islam. Cette intelligentsia se signale à peu près unanimement par son inculture sur le sujet, et, tandis qu’elle est si intelligente par ailleurs, voilà qu’ici elle n’arrive qu’à se partager benoîtement entre ceux qui considèrent le musulman comme le nouveau damné de la terre et, à l’autre extrême, ceux qui mélangent allègrement islam et islamisme sans s’en apercevoir… alors même parfois qu’ils croient être en train de distinguer les deux !
« La racine du mal terroriste » (L’Obs, 8 novembre 2017)
« Au sujet du procès d’Abdelkader Merah, l’avocat Alain Jakubowicz amorçait la semaine dernière dans « le Monde » une réflexion qui mérite d’être développée. Il écrivait que « ce n’est pas à la justice de régler le terrible sujet du terrorisme islamique qui frappe notre société. Quelle que soit la peine qui sera in fine infligée à Abdelkader Merah, le problème demeurera entier si on ne s’attaque pas aux racines du mal ». Les « racines du mal », exactement l’expression que j’avais employée dans ma « Lettre ouverte au monde musulman » pour l’appeler à passer d’urgence – face au dogmatisme et au radicalisme qui le gangrènent – du réflexe de l’autodéfense à la responsabilité de l’autocritique. La racine du mal terroriste, c’est l’état général d’une civilisation et d’une culture dans lesquelles une religion pourtant malade de son immobilisme, de son intolérance, de son machisme, veut faire la loi du sommet de l’État jusqu’à la morale personnelle en passant par l’ordre social… »
« Après les attentats et face aux divisions sociales, voici ce que doit être le grand changement du XXIe siècle » (Huffpost, 16 octobre 2017)
« La seconde édition du mouvement Fraternité Générale vient de s’achever. Pendant trois jours (13-15 octobre), elle a rendu visible la force, le nombre et la diversité des engagements fraternels dans notre pays : plusieurs centaines d’événements organisés partout en France (débats, concerts, manifestations culturelles, etc.) ont permis de montrer la vitalité de toutes les associations, institutions, fondations qui œuvrent au long cours pour une société moins égoïste et plus solidaire, moins repliée sur elle-même et plus ouverte. À Carcassonne, ce sont 2000 enfants des écoles qui en se donnant la main ont ceint les remparts de pierre d’un rempart humain fraternel. En mettant ainsi leurs cœurs dans leurs mains, ils ont été le point d’orgue d’une immense mobilisation de la jeunesse, symbolisée aussi par la participation d’associations phares comme Coexister ou le Tour de France des solidarités du Youtubeur star Hugo Travers… »
« Pourquoi le nationalisme progresse ? » (L’Obs, 12 octobre 2017)
« Du haut de leur Olympe politico-économique, nos gouvernants apparaissent incapables d’entendre les angoisses et aspirations qui montent du peuple. Volonté d’autodétermination en Catalogne, référendum d’indépendance en Écosse, Brexit, montée politique des souverainismes et nationalismes, que se passe-t-il depuis quelques années en Europe, et au-delà ? Une certaine identité catalane, écossaise, britannique, française, allemande, autrichienne, hongroise, etc., se sent menacée partout où elle se retrouve mélangée à d’autres. Elle perçoit l’altérité comme altération. Elle considère la vie avec l’autre non pas comme enrichissement, mais comme perte de soi – de sa culture, de son histoire, de la maîtrise de son destin. Elle se persuade peu à peu que l’immigré, le migrant, sont des envahisseurs, que ses propres concitoyens d’une région plus pauvre sont des assistés, que l’État national est un vampire qui boit le sang de ses provinces, que l’Europe est le grand bain dissolvant du génie et de la liberté de ses peuples… »
« Quel être humain voulons-nous pour demain ? » (L’Obs, 17 septembre 2017)
« Sans arrêt, on fait des lois, on prend des décisions, on tente des réformes mais cela semble de moins en moins orienté par une véritable idée de l’homme. En cette période de rentrée, interrogeons-nous un peu sur les grands buts que va se donner notre société pour les mois qui viennent. Et commençons par nous poser, en préalable, une question : quel être humain voulons-nous pour demain ? Lorsque j’observe nos différentes politiques publiques depuis quelques décennies, je suis étonné de voir à quel point cette interrogation fondamentale manque à l’appel. Sans arrêt, on fait des lois, on prend des décisions, on tente des réformes mais cela semble de moins en moins orienté par une véritable idée de l’homme… »
« En finir avec le 11-Septembre » (L’Obs, 18 août 2017)
« À l’orée d’une rentrée qui inaugure pour nous une nouvelle année politique, médiatique, sociale, une question me taraude : allons-nous enfin sortir de la phase ouverte depuis plus de quinze ans par l’attentat du 11 septembre 2001 contre les Tours jumelles ? De cette phase maudite de tension toujours plus grande, ici dans nos sociétés occidentales, entre les musulmans et l’opinion publique ? Le fossé d’incompréhension, de rejet et de repli va-t-il commencer à se combler ? Il serait temps que la crise se termine, que l’envie de vivre ensemble reprenne enfin le dessus, que les femmes et les hommes de bonne volonté l’emportent des deux côtés ; face à ceux qui se servent de la religion comme d’une arme, d’une armure ou d’un mur pour se couper des autres, et pour s’enfermer eux-mêmes dans des croyances figées ; face à ceux qui se servent des valeurs de notre pays – et de sa laïcité – comme d’un bouclier et d’un bélier pour bouter le musulman hors de France, et lui refuser l’appartenance à notre société.
« Faire grandir la paix en soi pour faire progresser la paix dans le monde » (L’Obs, 21 juillet 2017)
« Pendant que nous, Français, étions focalisés sur l’élection présidentielle, d’autres ailleurs méditaient avec un peu plus de hauteur de vue sur le temps présent. En retrouvant aujourd’hui une oreille pour les écouter, on s’aperçoit vite que leurs réflexions relativisent considérablement les questions qui nous ont accaparés ces derniers mois. On réalise aussi à quel point les politiques qui nous sont proposées sont loin du compte, c’est-à-dire pas à la hauteur de ce qui se cherche aujourd’hui de plus profond dans notre civilisation humaine… »
« Le spectre d’une insurrection du peuple » (L’Obs, 23 juin 2017)
« Comme si de rien n’était alors que rien ne va plus ! Notre démocratie continue d’attribuer le pouvoir à des élus dont la représentativité, pourtant, pose désormais très gravement question. Qu’on en juge. Notre Assemblée nationale sera ultra-dominée demain par un parti qui n’aura recueilli au premier tour des législatives qu’un peu plus de 32 % des voix d’un vote marqué par une abstention record (57,4 % au second tour). Faites le calcul, cela signifie que le pouvoir législatif en France va exprimer la volonté d’un sixième du corps électoral total, soit trois Français sur vingt… »
« Et si on libérait notre énergie… spirituelle ? » (L’Obs, 28 mai 2017)
« Cette « orgie de politique », ces dernières semaines, m’a soudain donné envie d’une diète. Je sais, les législatives arrivent mais à présent que le président est connu, je vous propose de faire au moins une petite pause. Méditative, dirait Christophe André. Pour ma part, j’envisage cette pause comme moment propice pour se demander quelles sont les fins ultimes du politique ? A quoi doit-il servir, qui n’ait pas seulement à voir avec l’éducation, la justice, la sécurité, la culture, la santé, etc. mais qui mobilise tout cela comme autant de moyens au service d’une autre fin ? »