Communiqué d’Abdennour Bidar à l’AFP au sujet des attentats à répétition de ce mois de juillet 2016 : « Depuis janvier 2015, une série d’actes barbares frappe notre France et nous meurtrit profondément. Perpétrés au nom de l’islam, ils sont aussi bien le fait d’esprits malades que l’une des expressions les plus aiguës de la crise radicale dans laquelle sombre aujourd’hui la civilisation arabo-musulmane. De là, une très grande difficulté d’analyse : quel lien entre ces cas psychiatriques isolés et l’état général d’une civilisation ?
D’aucuns disent qu’il n’y en a pas. Ils sont aveugles. Comme je l’ai montré dans ma Lettre ouverte au monde musulman, ceux qui nous agressent aujourd’hui sont parmi les métastases les plus meurtrières d’un cancer généralisé de l’Islam – qui tue à travers ses éléments les plus pathogènes. Chez les plus fragiles psychologiquement, comme du côté des régions du monde musulman les plus déstabilisées par les affrontements entre volontés de puissance locales et occidentales, le cancer de l’Islam trouve le terrain le plus favorable pour déchaîner son appétit de destruction.
Ne nous y trompons pas, nous recevons jusqu’ici les éclats d’une déflagration géante dont l’origine est le wahhabisme de l’Arabie saoudite. C’est elle l’épicentre du cancer – elle qui abrite les lieux saints de La Mecque et de Médine en trahissant honteusement leur sacralité. Égarée en effet par son obscurantisme depuis le XVIIIe siècle, cette région du monde a désormais pourri le monde musulman tout entier avec l’argent de son pétrole, qui lui a donné le moyen maléfique de contaminer et de faire dégénérer une civilisation dans le néant de son propre obscurantisme, vide de toute spiritualité digne de ce nom.
Plusieurs choses à faire face à cela, pour nous musulmans : réinventer de fond en comble une authentique culture spirituelle – de paix, de non violence, de fraternité universelle, de liberté de chaque conscience face aux dogmes, aux normes et aux mœurs de la tradition, et enfin d’égalité entre les femmes et les hommes.
Tous les musulmans qui osent dire qu’une telle culture est majoritaire en Islam sont trop optimistes. Ils prennent leur cas pour une généralité, et ne voient pas ou sous-estiment gravement la prolifération galopante de l’intégrisme. Cette persistance à ignorer la profondeur et l’ampleur du mal fait courir un terrible danger non seulement à leur propre liberté mais aussi au monde humain.
Trois choses à faire aussi face à ce cancer au cœur de l’Islam, pour nous français aujourd’hui. Déclarer la fraternité au lieu de déclarer la guerre, c’est-à-dire refuser le piège de la haine entre les identités et se solidariser dans l’affirmation de nos valeurs sans se laisser désunir par rien de ce qui nous agresse. Avoir le courage et la force de lutter non seulement contre la radicalisation des candidats au terrorisme mais interdire et punir sur notre territoire toute manifestation publique d’un islam intégriste, dont le critère simple est la contradiction avec notre culture – valeurs, lois, art de vivre. Avoir le courage enfin de ne plus entretenir de relations commerciales et diplomatiques indignes et lâches avec des États musulmans fondés sur le pouvoir d’une religion archaïque, intolérante et expansionniste – Arabie Saoudite, Iran, etc.
Ma conscience d’être humain et ma responsabilité de philosophe de l’Islam me conduisent aujourd’hui à répéter tout cela – et je le ferai encore coûte que coûte jusqu’à ce que l’Islam se régénère entièrement. De même, autre chose que je redis inlassablement, chacun a maintenant sa responsabilité face aux tragédies et aux périls du temps présent : non musulmans et musulmans ensemble, à nous tous échoit le devoir de lutter pour la paix à toutes les échelles. »