« L’absence de spirituel est un problème, pas l’islam » (Le Monde, 27 octobre 2015)

« Dans le débat qui vient d’opposer Alain Finkielkraut à Pierre Manent au sujet du « défi considérable que représente la poussée d’un islam fort dans une nation faible », je voudrais faire entendre une voix parmi celles de ces intellectuels de culture musulmane auxquels on reproche souvent de ne pas prendre assez leurs responsabilités. Je souscris entièrement à l’analyse de Pierre Manent lorsqu’il déclare que « le problème le plus alarmant qui assiège la France et l’Europe, c’est une désorientation générale, une impuissance croissante à penser et à vouloir un projet commun. L’irruption de l’islam révèle ce problème, l’aggrave sans doute, mais cette désorientation existe indépendamment de l’islam ».

« Lettre ouverte au monde musulman » (Marianne, 13 octobre 2014)

« Cher monde musulman, je suis un de tes fils éloignés qui te regarde du dehors et de loin – de ce pays de France où tant de tes enfants vivent aujourd’hui. Je te regarde avec mes yeux sévères de philosophe nourri depuis son enfance par le taçawwuf (soufisme) et par la pensée occidentale. Je te regarde donc à partir de ma position de barzakh, d’isthme entre les deux mers de l’Orient et de l’Occident !

« Merah, un monstre issu de la maladie de l’islam » (Le Monde, 23 mars 2012)

« Depuis que le tueur de Toulouse et Montauban a été identifié comme « salafiste djihadiste », c’est-à-dire comme fondamentaliste islamiste, le discours des dignitaires de l’islam de France a été de prévenir tout « amalgame » entre cette radicalité d’un individu et la « communauté » pacifique des musulmans de France. Cet appel au jugement différencié est nécessaire lors d’un événement comme celui-ci, parce qu’il suscite une vague d’émotion et d’indignation si puissante qu’elle risque d’abolir, dans un certain nombre d’esprits fragiles, toute capacité rationnelle à distinguer entre islam et islamisme, islam et violence, etc. Les dignitaires qui se sont exprimés ont donc assumé là une responsabilité indispensable pour la paix sociale, et nous pouvons espérer que leur parole contribue à éviter une aggravation de la défiance et des stigmatisations dont les musulmans de France restent souvent victimes.

« La lapidation, preuve extrême de la logique de violence de l’islam » (Le Monde, 30 août 2010)

« La monstrueuse condamnation d’une femme à la lapidation par la République islamique d’Iran donne encore une fois de l’islam une image catastrophique, celle d’une religion archaïque, violente et totalitaire. N’essayons pas en effet de dédouaner la religion islamique du meurtre programmé de Sakineh Mohammadi-Ashtiani en soutenant qu’il s’agit d’une décision politique. Le pouvoir de Mahmoud Ahmadinejad se fonde sur une idéologie reconnue comme celle d’un islam fondamentaliste.

« La burqa, symptôme d’un malaise » (Le Monde, 23 janvier 2010)

« Le débat sur le port de la burqa a donné lieu ces dernières semaines à une multitude d’analyses, parmi lesquelles les plus pertinentes l’envisagent à l’intérieur du problème plus vaste posé par le développement d’un islam néoconservateur qui refuse le modèle occidental, ses valeurs et son mode de vie, et dont le terrain de fermentation dans notre pays est la condition sociale et économique de discrimination faite aux populations d’origine immigrée. Une frange de celles-ci trouverait ainsi dans l’adhésion à cet islam « dur », dont la burqa est l’une des expressions les plus radicales et minoritaires, l’opportunité d’exprimer son ressentiment et de se placer dans une logique de lutte contre ce qui est vécu comme une situation d’oppression.

« L’interdiction des minarets en Suisse va exacerber les tensions identitaires (Le Monde, 2 décembre 2009)

« A travers l’interdiction légale de la construction de minarets en Suisse, une grande peur est à l’œuvre, dont l’irrationalité doit être effectivement redoutée pour la dangerosité de ses conséquences possibles. « La seule chose dont il faut avoir peur, c’est de la peur elle-même », disait Roosevelt. Or il semble bien qu’à travers l’interdiction légale de la construction de minarets en Suisse, une grande peur soit à l’œuvre, dont l’irrationalité doit être effectivement redoutée pour la dangerosité de ses conséquences possibles.

« Aucune justification religieuse à la burqa » (Le Monde, 30 juin 2009)

« Il est désolant que des musulmans donnent une image aussi caricaturale de leur culture. Le port de la burqa (voile intégral) fait aujourd’hui en France l’objet d’un débat politique et public. Le premier élément de réflexion nécessaire porte sur la définition même de cette burqa. Il s’agit d’un voile intégral, formé d’une ou deux pièces qui recouvrent la totalité du corps, le visage compris, ne laissant voir que les yeux – le regard étant même le plus souvent dissimulé par une grille de tissu ou un voile plus fin. Il faut donc distinguer la burqa du simple voile (hidjab), qui ne couvre que la tête et parfois les épaules de certaines musulmanes, laissant le visage découvert, et qui peut être noué soit derrière la tête, soit devant. Il y a voile et voile.

« Parler de l’homme plutôt que de Dieu » (Le Monde, 4 novembre 2008)

« Réunis au Vatican le 4 novembre, musulmans et catholiques vont buter sur la volonté hégémonique qui les désunit depuis toujours, à un moment de notre histoire où ils devraient comprendre que le temps de la tutelle ecclésiastique est révolu. Quelles sont les questions fondamentales impossibles à éluder qui vont se poser au Forum islamo-chrétien du 4 novembre ? Il y en a notamment trois : la capacité ou incapacité des deux traditions à se considérer à égalité de valeur spirituelle ; le rôle de la hiérarchie ecclésiastique dans le catholicisme et l’islam de demain ; la nature exacte des ressources de sens que ces religions peuvent apporter à notre monde désenchanté.

« Questions aux candidats à l’élection présidentielle » (Le Monde, 8 février 2007)

« En tant qu’intellectuel musulman engagé dans la réflexion sur l’identité et l’avenir de l’islam de France, je souhaite poser quatre questions aux candidats à l’élection présidentielle : – Tout d’abord, comptez-vous maintenir le Conseil français du culte musulman ? Les travaux des sociologues montrent que la notion de culte évolue de façon radicale chez les musulmans européens. Ils n’abandonnent pas leur foi, mais ils l’adaptent en lui incorporant les valeurs occidentales de choix personnel, d’autonomie, de responsabilité. Un sens nouveau de la subjectivité fait ainsi son apparition en culture d’islam, ce que j’ai appelé et conceptualisé sur le plan philosophique comme un self-islam, « islam du Soi », dans lequel chaque musulman entend désormais être seul maître et juge du rapport qu’il entretient au dogme et à la loi religieuse, c’est-à-dire déterminer par lui-même les formes de sa vie spirituelle. Découverte d’une nouvelle puissance de la subjectivité, dans le prolongement de la culture européenne : une subjectivité maîtresse du sacré.

« Vers la mutation démocratique de l’islam » (Le Monde, 6 février 2006)

« Y a-t-il réellement une communauté musulmane d’Europe ? Le terme de communauté désigne un groupe d’individus vivant, de façon plus ou moins ouverte ou fermée, à part du reste de la société (distance spatiale), et à part également du mode de vie de cette société (distance culturelle). Vis-à-vis de cette définition, il est déjà clair que les musulmans européens constituent tout au plus une communauté idéale, et non réelle : même s’ils ont des références culturelles communes, et même s’ils se rassemblent en certaines occasions, ils ne vivent pas en vase clos et n’ont pas des moeurs fondamentalement distinctes des autres Européens. Contrairement à la représentation dominante, y compris chez les politiques, le musulman n’habite pas toujours en banlieue ou dans le Londonistan, et même s’il y habite, son « occidentalité » l’emporte largement sur son « islamité ».